Type
Résidence d’écriture de scénario de court et long métrage
Édition
10e
Période
Mars-avril 2025
Durée
6 semaines
Lieu
Villa Sabourin
Clermont-Ferrand (63)
Champ d’action
France
Contact
Jérôme TERS
j.ters@clermont-filmfest.org
En 2025, à l’occasion de la 10e résidence d’écriture de la Villa Sabourin, la réalisatrice et scénariste Héloïse Fressoz a travaillé sur le scénario de son premier long métrage intitulé Les Avalanches. Entre recherches, rencontres, et gestion de la solitude, elle nous raconte son expérience au cœur de Clermont-Ferrand.
Pendant toute la période de la résidence, on a refait un travail autour du personnage principal et de la structure du film. Parallèlement, les rencontres, les conversations autour de thématiques du film ont aussi permis d’en préciser les métiers, les décors, les enjeux liés à cette question de la fermeture des stations de faible altitude. Le fait d’en discuter avec d’autres gens a aussi ouvert pas mal de portes. Ça a permis d’envisager des idées de fiction qu’on n’aurait pas eues sans ces échanges-là.
- Bonjour Héloïse, peux-tu te présenter ?
Bonjour, je m’appelle Héloïse Fressoz. Je suis scénariste et réalisatrice. Je suis en résidence à la Villa Sabourin dans le cadre de l’écriture de mon premier long métrage qui s’appelle Les Avalanches, et pour lequel je suis en coécriture avec Thomas Colineau. C’est un film qui est produit par Pauline Lamy pour Why Not Productions.
- Pourquoi as-tu souhaité postuler à cette résidence ?
Nous sommes en écriture depuis environ trois ans sur ce film. Je n’avais pas fait de résidence d’écriture et j’avais envie de trouver un espace et un temps qui étaient strictement dédiés à ce projet-là. Je coécris d’autres films et j’avais le sentiment qu’on arrivait à un moment de l’écriture où les choses commençaient à aller plus vite. On commençait à trouver l’histoire, sa structure, la manière dont on voulait la raconter. Je me suis dit que c’était un moment qui était important pour me focaliser que sur ce film. Par ailleurs, j’avais présenté un film à Clermont-Ferrand l’année d’avant. J’avais vraiment aimé le festival et je me disais que c’était intéressant de venir ici parce qu’il y avait un lien géographique avec le décor principal du film, qui a priori se déroule en Savoie. Les décors ont des propriétés qui sont assez proches de celles de certains lieux autour de Clermont, en l’occurrence les stations de ski de moyenne montagne.
- Est-ce que ce nouvel environnement a fait évoluer la première version de ton texte écrite avant ton arrivée ?
Oui, mais je ne pensais pas à ce point-là. On m’avait dit qu’il y avait, dans le cadre de la résidence, la possibilité de faire un travail de recherche, de rencontrer des personnes qui pouvaient avoir des pratiques qui étaient liées aux thématiques du film, etc. Assez vite on m’a proposé de rencontrer un moniteur de ski et le maire d’une ancienne station de ski qui est fermée depuis plusieurs années. Cela m’a amenée à rencontrer de nouvelles personnes et surtout à aller dans les stations aux alentours de Clermont que je ne connaissais pas. Elles ont à la fois des propriétés qui sont assez proches de celles du décor sur lequel j’écris, et en même temps des singularités. Ça nous a permis d’être, dans la reprise de l’écriture, beaucoup plus précis sur certaines pratiques, certains métiers de personnages, et sur le récit qui se fait en filigrane de l’intrigue principale du film autour du décor, qui est un élément narratif important dans l’histoire.
- Depuis le début des résidences, deux intervenant·es accompagnent les participant·es : Pascale Faure et Nicolas Ducray. Comment se sont passées ces deux rencontres ?
Je suis arrivée à la résidence en même temps que Pascale qui connaissait déjà bien Clermont et la maison. Cela m’a permis de mettre les pieds dans cette ville que je connais très mal avec quelqu’un pour me guider. Elle a fait un travail avec moi autour des thématiques des décors du film. Sans vraiment entrer précisément dans les personnages et la dramaturgie, on a fait une sorte d’état des lieux de ce qu’était le film et de ce à quoi aller pouvoir me servir la résidence en termes de recherche.
Avec Nicolas on a fait à l’inverse, un travail beaucoup plus axé sur les personnages, leurs trajectoires dans le film, la dramaturgie. C’est un film qui a été assez peu lu hormis par les producteurs en commission, parce que le film est soutenu à l’écriture par le CNC et par la Région. On avait eu peu de lecteurs et d’un coup ça m’a déplacée à plein de petits endroits sur l’état du film tel qu’il est en ce moment. C’était une approche très différente, très porteuse.
- Tu avais déjà fait une résidence sur ton précédent film Malandrin. Ces deux expériences t’ont-elles apporté des choses différentes ?
Les deux résidences sont très différentes, dans leur projet et dans leur forme. Elles ont en commun de mettre dans les dispositions pour permettre d’aboutir à une forme. C’est très précieux de se dire que je viens en Auvergne-Rhône Alpes – donc un territoire que je connais bien – dans un lieu donné, dans un temps donné, et que mon seul objectif est d’aboutir à quelque chose sur un projet précis. Je trouve que c’est très important et que ça permet d’emmener à des endroits neufs, de repenser les choses de manière différente.
Malandrin est un film que je n’aurais pas réalisé si je ne l’avais pas fait en résidence. Cela m’a permis de me forcer, me dire que je me donnais une semaine avec une toute petite équipe qui était mobilisée autour de la réalisation de ce film, pour le fabriquer, en ne sachant pas si ça allait être un film ou un essai.
Je trouve que dans la résidence d’écriture il y a quelque chose de cet ordre-là aussi. Avant d’arriver, j’avais un peu peur de passer à côté et de travailler comme j’aurais travaillé dans la vie de tous les jours chez moi. En fait, je trouve que, l’air de rien, ça fait prendre une distance aussi à ce qu’on est en train de faire et au travail.
Malandrin réalisé par Héloïse Fressoz (France – 2023)
- En parallèle de ton travail personnel à la résidence, tu as rencontré un certain nombre d’élèves de collèges, de lycées et des étudiant·es. Peux-tu nous dire comment ça s’est passé ?
C’était super ! De manière générale, j’aime vraiment les interventions en classe ou même dans n’importe quel autre cadre. J’aime échanger sur mon travail et comprendre le travail que font les personnes en face de moi. Là les enfants étaient en grande majorité tous sur un projet qui était lié au cinéma aussi. C’était vraiment un échange et c’était très chouette. Ce qui était étonnant c’est que je suis intervenue du niveau CM1 au niveau L3 cinéma et auprès des étudiants en école d’architecture. C’étaient des dialogues sur un même film, sur un matériau commun que sont le court métrage et le long métrage que je suis en train d’écrire, mais en discutant de manière différente à chaque fois. Ça me permettait aussi de réfléchir à comment l’expliquer, à expliquer ce que j’étais en train de chercher à ce moment donné. J’ai trouvé que ça faisait un écho assez intéressant à moi et ma solitude dans cette maison.
- Comment as-tu ressenti cette solitude dans la maison ? Plutôt pesante ou intéressante dans le cadre du travail ?
Pour être complètement honnête, je n’ai pas beaucoup été seule. J’ai passé une semaine et demie complètement seule. Le reste du temps, il y avait Thomas, mon coscénariste, et des amis avec lesquels je travaille qui sont venus ponctuellement. Ainsi que les interventions de Nicolas et Pascale. Je supporte assez mal la solitude, je m’en étais un peu prémunie. Mais cela n’empêche que même à deux dans une maison ça donne quand même un rapport au temps, au temps qu’on accorde à son travail, qui est très différent. J’ai plutôt aimé. Même les journées que j’ai passées complètement seule, j’ai été étonnée de les apprécier. La maison étant ce qu’elle est, la solitude est plus agréable que dans un appartement minuscule.
- On arrive à la fin de la résidence, peux-tu nous dire comment ça va continuer pour toi ?
Je suis arrivée à la résidence avec une sorte de synopsis que j’avais reconstruit après une vraie première version dialoguée. C’est le matériau à partir duquel j’ai vraiment travaillé pendant ce mois et demi. Les choses sont allées assez vite, ce qui nous permet de finir une deuxième version dialoguée. Je suis assez contente qu’on ait réussi à aboutir à une étape finie, une version que je vais pouvoir faire lire autour de moi. Je vais pouvoir repartir sur une troisième version forte de toute la partie de recherches que j’ai fait pendant la période de résidence. Que ce soit avec les rencontres, les visites que j’ai faites, et aussi parce que j’ai utilisé les ressources de l’école d’architecture et notamment les bibliothèques puisque le film est en lien avec des questions de paysages, d’aménagement du territoire, d’architecture. J’ai l’impression que tout ce travail-là va pouvoir encore insuffler beaucoup à la prochaine version sur laquelle je vais travailler.
- Peux-tu pitcher ton projet en quelques mots ?
Le film commence alors qu’une jeune fille de 17 ans, Marguerite, disparaît une nuit pendant une descente aux flambeaux juste avant que ne se déclenche une avalanche. Les recherches sont tout de suite lancées pour la retrouver, en vain. Au village, on entame son deuil. C’est à moment-là, contre toute attente, après plusieurs jours, que Marguerite réapparaît sans trop d’explications. Ce silence permet aux habitants de la station d’élaborer des explications, des récits autour de ce mystère, et relance une inquiétude autour de l’avenir de cette station et le danger qui lui est inhérent. Et ces récits, surtout, empêchent Marguerite de faire elle-même le récit de ce qui lui est arrivé, dont on sent qu’au fond il est lié à un secret. On voit en elle grandir une forme de grande culpabilité qui nous sera expliquée au fur et à mesure du film.
Héloïse Fressoz présente son film Malandrin lors d’une séance Micro pendant le festival international du court métrage 2024.
- Est-ce que le fait d’avoir participé à la résidence a réorienté un peu l’histoire ?
Pendant toute la période de la résidence, on a refait un travail autour du personnage principal et de la structure du film. Parallèlement, les rencontres, les conversations autour de thématiques du film ont aussi permis d’en préciser les métiers, les décors, les enjeux liés à cette question de la fermeture des stations de faible altitude. Le fait d’en discuter avec d’autres gens a aussi ouvert pas mal de portes. Ça a permis d’envisager des idées de fiction qu’on n’aurait pas eues sans ces échanges-là. J’avais peur de confronter ce que j’avais lu, ce que je connaissais plus intimement de ces questions-là… J’avais peur qu’on me dise que ce n’était pas crédible, que ce n’était pas possible. Et je me suis rendu compte que les personnes adhéraient plutôt à ce qui était mis en place dans le film, et surtout que ça me donnait de nouvelles idées. C’était assez grisant. Ça a vraiment permis d’avancer dans des directions un peu nouvelles. Je pense notamment à la pratique du métier de nivoculteur par exemple. Ces personnes qui fabriquent la neige artificielle en montagne, qui font un métier que moi je ne connaissais pas du tout et sur lequel je m’étais un peu renseignée. Patrick, qui est moniteur de ski, a organisé une rencontre avec des nivoculteurs dans leur lieu de travail. Ces échanges-là sur le travail d’astreinte la nuit, leur rôle, leurs pratiques, m’ont vraiment ouvert une porte sur le métier d’un personnage secondaire. Et ça a une incidence sur le scénario. Il y a des choses comme ça qui ont été vraiment précieuses.
- Si tu devais en un mot ou une phrase dire ce qu’a été ta résidence à Clermont, tu dirais quoi ?
Je ne saurais dire. J’ai l’impression que j’ai eu, parce que j’étais dans cette grande maison avec toutes ces fenêtres toute seule, l’impression de voir le travail se faire, de sentir comment j’avançais d’un jour après l’autre sur le film, sur les idées que j’essayais de mettre en place. C’est la première fois que, à ce point-là, j’arrive à me dire je suis allée de cet endroit-là à cet endroit-là et le travail que ça m’a demandé, la concentration… Il y a, en effet, vraiment quelque chose dans le fait d’être dans cette maison et de la faire habiter par le film en permanence. J’ai été assez étonnée par ça, d’habiter avec le film ici.
Propos recueillis par Jacques Pouillet le 1er avril 2025.